J'ai mal partout. J'ai l'impression qu'un convoi de poids lourds m'a passé dessus, mais je n'arrive pas à être soulagée d'y avoir survécu.
Il y a un grand vide à l'intérieur. Un petit vide dans mon ventre, là où on m'a opérée pour m'arracher les dernières traces de la petite vie qui y poussait. Un grand vide dans ma tête, là où des rêves très doux avaient commencés à germer, où des projets se formaient, où l'espoir d'une vie à trois fleurissait. Dans mon coeur, le vide ne se mesure même pas. Il prend toute la place, grandit sans cesse, effaçant les mots doux que j'avais commencé à murmurer et les chansons d'amour qui jaillissaient de mes lèvres lorsque j'étais seule avec mon ventre plein de promesses.
Des promesses on m'en a fait plein dans les trois derniers jours. De belles promesses pour me réconforter, pour m'encourager, pour me faire voir que le monde continuait de tourner et qu'il était rempli d'espoir. Tous des gens bien intentionnés et aimants, inquiets pour Amoureux et moi. Mais il n'y a rien à faire, mon monde à moi s'est arrêté de tourner. Il s'est arrêté au moment même où j'accouchais, 6 mois à l'avance dans la douleur et l'incompréhension sous les yeux ébahis de mon Amoureux, terrifié de ne pas savoir quoi faire, comment prendre ce fardeau sur lui pour m'en libérer.
Il est fort mon amoureux. Je ne l'avais jamais vu pleurer ainsi. Il s'est vite ressaisi parce que, moi, je ne pouvais plus être forte. Depuis, je le vois essayer de me réconforter, me distraire, me faire rire. Je le vois, fragilisé de me voir si triste, si morne, si éteinte. Je comprends aussi que nos peines ne se comparent pas. Il est déjà optimiste et me répète qu'on nous serons parents l'année prochaine, que ce n'est que partie remise. Ce que je voulais absolument qu'il me dise alors que j'étais à l'hôpital, espérant, malgré toutes les évidences, un miracle, ne me fait plus autant de bien maintenant. J'espère que cela ne créera pas de barrière entre nous, qu'il comprendra que nous avons besoin de temps, que nous avons un deuil à vivre et que nous devrons être deux pour y arriver.
Dans ma chair et dans mon coeur, je sais bien que je ne pourrai jamais oublier mon bébé. La vie est si cruelle que tout m'amène à y penser. Les seuls vêtements qui me font en ce moment sont les vêtements de maternité que j'avais achetés la semaine passée, l'ironie de la situation me fait pleurer sans que je n'y puisse rien. Tout me fait penser à ce petit être, celui qui m'a fait douter de moi, de mes convictions. Moi qui croyais ne pas vouloir d'enfants, j'ai appris à penser à lui avant de penser à moi, j'ai rêvassé en regardant les berceaux et des livres de décoration de chambres de bébé, j'en étais venue à sourire intérieurement à chaque fois qu'une femme enceinte passait près de moi, rêvant du moment où je le sentirais bouger en moi et où, moi aussi, j'aurais l'air de partager un doux secret avec un futur qui n'appartiendrait qu'à moi.
Par-dessous la douleur physique, l'épuisement, la peine, la maladresse de certaines personnes, la déception, la culpabilité, les remords, les "et si...", c'est la peur qui prend le dessus. Cette compagne des derniers jours a trouvé en moi un sol fertile. J'ai désormais peur d'être seule, j'ai aussi peur des fêtes à venir, ces moments censés être synonymes de plaisir de se retrouver, mais où, moi, je saurai qu'il manque quelqu'un, j'ai peur d'avoir à annoncer la nouvelle aux gens bien intentionnés qui me demanderont comment va ma grossesse, peur de ma réaction lorsqu'une copine m'apprendra être enceinte, peur d'avoir de la peine trop longtemps et que mon amoureux se lasse de moi, peur de retomber enceinte et d'en éprouver plus d'inquiétudes que de joies, peur d'avoir encore mal à l'âme et, pire que tout, d'un jour l'oublier.
En espérant que de cette libération vienne un sommeil réparateur, car celle qui a écrit ce soir ne se reconnaît plus.
10 commentaires:
J'ai pleuré en lisant ton billet. Je suis tellement désolée pour toi... Pour ton amoureux... Pour ce début de vie qui n'a pas vu le jour... J'ai vécu quatre fausses-couches, je connais la douleur, le désespoir, la culpabilité, la souffrance et... le vide.
C'est tellement difficile. C'était une idée, une abstraction, mais en même temps, c'était tout. Une nouvelle vie, une nouvelle façon de voir la vie.
La douleur est différente pour chacun des amoureux. Ça semble souvent créer une distance, mais c'est juste un sentiment différent, une manière d'éprouver différente.
Oui, tu as un deuil à faire, mais tu ne seras pas égoïste de penser à concevoir un autre bébé dans quelques semaines. C'est la vie qui continue et une nouvelle grossesse t'apportera des craintes, évidemment, mais aussi de nouvelles joies et de nouveaux espoirs. Il n'y a rien de pire que de ne plus rien espérer.
Vis ce que tu as à vivre et quand vous serez prêt, vous le saurez. Crois-moi, tu n'oublieras jamais ce petit être. Il t'a fait réaliser de nombreuses choses, sa présence a su réveiller en toi des sentiments et des envies que tu ne te connaissais pas. Il t'a fait devenir maman... et tu le seras de nouveau quand tu seras prête.
Je suis triste pour toi, je pense à toi. Prends soin de toi et laisse les autres te réconforter. Ça fait du bien, on se sent moins seule avec notre peine...
Gros câlin...
Je suis désolée pour toi et ton amoureux.. Je n'ai jamais vécu une telle situation mais par tes écrits j'ai ressentie la douleur. Je vous souhaite beaucoup de courage.
Même si je ne te connais qu'à travers ton blog, je pense fort à toi. Je vous souhaite beaucoup de courage à tous les deux.
-xxx-
Je suis vraiment, vraiment désolée.
Ton billet m'a touchée...
Prends ton temps pour faire le deuil...J'ai envie de te dire que si ton corps l'a rejeté, c'est probablement parce qu'il était malade ou quelque chose du genre, mais je n'en sais rien...
Sens-toi pas coupable. C'est malheureusement (trop) fréquent.
Je ne veux pas banaliser ton deuil...au contraire...vis-le, prends ton temps et écris si ça peut te faire du bien...
C'est fou comme lorsqu'on lit ou entend des histoires de ce genre, on a milles mots en tête, milles phrases à dire pour tenter d'apaiser l'autre et qu'en bout de ligne, on sache très bien que tout ce qu'on pourra dire ne parviendra jamais à apaiser un centième de cette peine. On ne se connaît pas, mais dis-toi que j'ai une pensée pour toi quand même, c'est le mieux que je puisse t'offrir.
Je n'ai jamais vécu telle souffrance, alors je ne peux pas te comprendre. C'est le genre de choses qu'il faut avoir vécu je crois... Enfin, prends soin de toi et pense à toi.
Mes sympathies. C'est vraiment triste tout ça...
Merci beaucoup de vos bons mots. Vos gentilles pensées m'ont vraiment touchée. Aujourd'hui, j'ai l'impression de remonter la pente. Lentement, mais sûrement.
Ma belle, je ne sais pas quoi dire.
Je suis désolée d'apprendre celà et sache que je t'envoie toutes mes ondes positives.
Prends du temps pour toi, fais le point sur ce qui vient d'arriver et ne te gêne pas pour écrire sur ton blogue ce que tu ressens. La thérapie par l'écriture est très efficace.
À mon tour de te faire un gros câlin virtuel :-)
Je suis tellement triste pour toi et ton amoureux.
On a vécu ça le mois dernier, et je sais que pour l'instant, rien ne peut consoler. Ni les exemples (entre 15% et 20% des grossesses finissent malheureusement comme ça), ni la "raison" (la Nature fait généralement bien les choses )... Tout ce qu'on peut t'apporter, c'est te soutenir.
Et surtout, surtout, ne te sens pas coupable. Ce n'est la faute de personne, et surtout pas de toi. C'est important que tu le comprennes.
Parles-en si tu en as envie, ne reste pas seule avec ta souffrance.
Et quand vous serez prêts, "vous remettrez le couvert". C'est n'est que partie remise.
Pensée pour vous deux.
Je suis désolée de tous les rêves envolés avec ce croche-pied de la vie.
Puisses-tu t'autoriser le temps qu'il faut pour drainer ce chagrin et mouler à celui qui ne sera pas une place de choix dans ton coeur.
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