vendredi 13 juillet 2007

Ma madame Gaétanne (c'est long, mais ça vaut le coup!)

Dans un de mes précédents messages, je faisais ma fraîche en vantant les mérites de vivre dans un village et tout le plaisir que j'en retirais et bla bla bla. J'énonçais aussi madame Gaétanne pour la première fois. Faut croire que quand on crache en l'air, c'est vrai que ça nous retombe sur le nez! Ma voisine est dans la soixantaine et c'est tout un personnage. Elle m'a pris sous son aile dès notre première rencontre et je crois que son objectif ultime est de me présenter à toute la vieille guilde du village pour mieux m'enrôler dans le Cercle des fermières. Je l'aime beaucoup, mais (ce type de phrase comprend presque toujours un mais) je ne suis pas encore tout à fait habituée à ce mode de vie rural, ayant passé la majorité de ma relativement jeune vie en banlieue. Mais voici ce que j'ai appris au contact de mes voisins:
Règles du code d'honneur des bons voisins dans un village*
1- On passe par la porte arrière quand on veut demander quelque chose à un voisin.
2- On annonce notre arrivée en criant le nom de la personne qu'on vient voir et ce, en sortant de notre propre maison.
3- On traverse, avec notre bière, pour aller fouiner et jaser sans autre raison que celle de se mettre à jour sur des sujets sans importance tels; "À quelle heure passent les vidangeurs ces jours-ci? Je les ai manqués la semaine passée."ou encore "As-tu vu ça comme c'est beau le kiosque de bois qu'ils sont en train de monter au centre du village?".
4- Il faut regarder dehors s'il y a une auto qui arrive chez le voisin pour être en mesure de lui décrire l'auto si jamais le voisin n' était pas chez lui. Il est même possible, en combinant la règle numéro 3 et celle-ci, de nommer le visiteur reparti déçu. Les remarques du genre: "C'était ton cousin Marcel" ou encore, le classique "Je pense que c'était ton dentiste, mais il a changé d'auto, hein?" deviennent alors monnaie courante.
5- Il faut saluer des gens à l'épicerie, car même si on ne connaît pas tout le monde, eux vous connaissent!
6- On ne doit pas sacrer ou se crier après quand on se chicane, car on a l'impression que tout le monde arrête de parler/travailler/marcher ou même respirer pour écouter.
7- Il est correct et courtois de mettre ses mains en éventail pour regarder à l'intérieur de la maison d'un voisin afin de vérifier s'il est à la maison ou pour voir si ses planchers sont lavés.
8- On ne doit jamais dire quoi que ce soit de déplacé/cynique/moqueur à apropos d'un autre vilageois, car on ne sait jamais s'il ne s'agit pas du cousin, du beau-frère, du voisin ou du père de la personne à qui on parle. Tous se connaissent et vous connaissent puisqu'ils ne vous connaissent pas...
9- Il est de bon ton de réveiller un voisin pour le prévenir d'un événement ben ordinaire
10- Il est acceptable de péter en parlant avec un voisin et de lui dire :"Ça va sentir mauvais, car je vous ai laissé un petit cadeau... Le blé d'inde, ça me fait pas".
*Il y en a sûrement plein d'autres, mais ça ne fait que 2 ans que j'habite ici! Je poursuis mon apprentissage... Psst! Ces règles sont toutes basées sur des événements vécus.
Rapport d'incidents:

1ère visite de madame Gaétanne
Heure: 10:00 am
Ma localisationdans: le hamac, cachée de la rue par le Westfalia
Mon occupation au moment de l'incident: je lis Pakkal, tome 2 et je cogne, un peu, des clous. Il est tôt, pas parce que c'est plate!
Description de l'incident: Je lis, au soleil, et j'ai enlevé mon haut de maillot sachant que nul ne me voit, cachée ainsi des passants par le fidèle Westfalia. Je suis couchée sur le ventre, évidememment. Je me trouve très bien, je ronronne presque de bonheur tant je me sens libre. J'entends un strident:"Marrrrie-Andrrrrée!!" qui vient de l'autre côté de le rue (relire la règle numéro 2). Le cri s'approche de plus en plus et je me dis alors : "je vais faire semblant de dormir". Je laisse tomber mon livre, comme s'il m'avait glissé des mains en m'endormant et prends une face détendue et bien mollasse. Elle passe derrière le West, se dirige droit vers la porte arrière (relire la règle numéro 1), dit et reidt mon nom à six ou sept reprises et semble vouloir repartir. Je ne bouge pas, je ne respire même plus à ce moment précis. Elle va repasser derrière le West, je savoure presque ma victoire, quand j'entends: "Oh! Elle est là! Marrrrie-Andrrrée! Marrrrie-Andrrrrée!". Je garde les yeux fermés, je ne remue même pas en faisant mine d'être sur le point de me réveiller, c'est très crédible me semble! Non, sa mission est plus importante que mon sommeil. Elle me réveille en me secouant le pied et en chuchotant:"Marrrie-Andrrrrrée, tu dors ma belle!". Comment ne pas avoir envie de répondre:"Je sais, malédiction!", mais ça reste une voisine. Je fake donc mon réveil, me lève, me rappelle que je n'ai plus de haut de maillot, le remet et me lève. Elle venait me dire de faire couler l'eau avant de faire du lavage, surtout si c'est pour du blanc, parce qu'elle a vu que l'eau était brunâtre ce matin. Voilà! C'est dit et elle repart, me suggérant "de ne pas dormir au soleil que c'est dangereux, mais bon que pour les brunes c'est sûrement différent et qu'elle, ça l'a toujours fait vomir de rester trop longtemps au soleil".

2e visite
Heure: 13:30
Ma localisation: Dans ma chambre
Mon occupation: Soigner mon coup de soleil du matin et m'épiler le bikini (pas littéralement, le pauvre, lui, n'en a pas besoin).
Description de l'incident: Je souffre beaucoup, je suis encore en maillot et je suis toute collée par la cire des bandes épilatoires. J'entends, je ne peux y croire, encore mon nom scandé joyeusement par madame Gaétanne. Elle s'approche, elle est dans mon entrée de cour et j'espère qu'elle n'appliquera pas la règle numéro 7, car je suis dans une position loufoque et douloureuse. Faut-il vraiment le souligner? Elle traverse le patio et va se coller le visage sur la porte moustiquaire en continuant de faire de mon nom l'objet de haine de tout le quartier tant elle n'y va pas de main morte avec les décibels. Je vais ouvrir et elle me dit: "Il y a quelqu'un qui cogne à la porte en avant, mais tu ne l'entends pas!" Abasourdie, je me suis retournée (la porte de devant étant face à celle de derrière) et j'ai vu qu'il y avait quelqu'un! Un peu sonnée, je plante madame Gaétanne-là et vais ouvrir en avant. C'est la madame de la poste avec une enveloppe à remettre en main propre au propriétaire (Ce n'est pas un huissier, rassurez-vous! Nous n'en sommes pas encore là.) Elle me sourit et me dit: "Les voisins c'est tellement pratique!", ce à quoi j'acquiesce, toujours sous le choc. Gaétanne, que j'avais oubliée, retourne chez elle en disant (à qui? je l'ignore... peut-être aux autres voisins, cachés derrière leurs rideaux pour mieux écornifler sur ce qui se passait avec la petite) : "Elle ne l'entendait pas la petite, il y avait de la musique, pis elle était dans sa chambre."
On a beau être saine, il y a tout de même des trucs qui nous bouleversent. L'absurdité de cette intervention me laisse encore perplexe.

3e interraction (Extrême prudence de mon côté, on jase en restant chacune sur notre terrain. Elle attendait peut-être que je traverse, vu qu'elle était venue 2 fois... elle est restée sur sa faim.)
Heure: 15:00
Ma localisation: La plate-bande en avant qui me fait honte tant il y a des mauvaises herbes...
Mon occupation: Si vous savez lire entre les lignes, vous aurez deviné qu'il s'agit de désherbage.
Description de l'incident: J'arrive en avant avec ma brouette, mes gants, ma bouteille d'eau, mon coussin pour les genoux et mes outils de jardinage. Elle sort enlever son linge, fraîchement relavé (l'expérience du matin sans doute: relire incident numéro 1), et pour me jaser un peu. Nous avons discuté pendant qu'elle pliait son linge et elle est retournée à l'intérieur 10 minutes plus tard. On s'attendait à plus croustillant, mais c'est tout. C'était déjà pas mal...
Fin du rapport
Une fois à l'intérieur, j'ai fermé les rideaux, éteint la radio, verrouillé les portes et je suis allée me cacher dans le vide sanitaire. Je me suis couchée en position foetale et j'ai sangloté doucement et c'est là qu'Etienne m'a trouvée.

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